“Samedi, dans le parc, je vis une personne
D’un genre indéfini, c’était peut-être un homme.
Elle avait des yeux flous, sans aucune couleur,
Et parlait d’une voix entrecoupée de pleurs.

Elle avait des bas noirs sur des jambes musclées
Et portait un chandail qui laissait entrevoir
La naissance d’un sein dont la pilosité
Était comme un éclair qui claque dans le noir.

Elle marchait tout autour d’un sac qui débordait
De soutifs fatigués et de culottes sales
Et se tordait les pieds sur de belles sandales
Dont le luxe étonnait dans ce décor souillé.

Elle cherchait, du regard, un point indéfini
Une bouée sur la mer que, seule, elle pouvait voir
Qui pourrait la tenir, harnachée à la vie,
Alors qu’elle glissait dans la torpeur du soir.

Mais le geste était là, gracile et délicat,
Avec les ongles faits, d’un rouge écarlate,
Qui laissaient entrevoir ses rêves d’autrefois
Qu’elle avait dû laisser, peut-être, en toute hâte.

Il était évident qu’elle était en souffrance
Et qu’elle n’était pas loin des larmes et des transes.

J’informais le gardien, qui était une femme,
Afin qu’il y ait quelqu’un qui secoure son âme.

Elle me dit aussitôt qu’elle la connaissait,
Qu’elle avait signalé ce pauvre malheureux
Mais elle me précisa qu’elle n’était pas Monsieur
Puisqu’il avait « Madame » sur son identité.

Voyant mon désarroi devant ce triste cas
Elle promit de veiller à sa sécurité
Puis elle s’en alla, en me laissant sans voix,
Avec le sentiment d’un vide sous mes pas.

Peut-être a-t-elle été cette femme sublime
Que l’on suit du regard avec admiration,
Parce qu’elle a su toucher à cette grâce ultime
Où la féminité est une perfection.

A vouloir assumer ce qu’elle ressentait
Elle a volé trop haut et s’est brûlé les ailes…

Ses amours, ses amis, se sont détournés d’elle,
Ne sachant comment ils pouvaient lui parler.

Puis elle avait connu de grandes solitudes
Où l’on perd, peu à peu, cette féminitude
Qui garde le jardin des rires et des amours.

Elle s’est évaporée dans la fuite du jour…”

Camélia

 

 

 

Une amie m’a transmis ce poème que je trouve délicat et étrange. Je trouve important d’avoir un espace d’expression artistique qui permette à chacune/chacun d’entrouvrir la porte des ressentis.

 


Commentaires

    1 Response to "Photographie poétique"

    • ael.m

      Ce poème est troublant et doux à la fois, il me fait sentir qu’être soit prime sur tout le reste. Sait-on jamais au détour d’une impasse par qui l’on pourrait bien être aimé !

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